Mission Jeanne d’Arc 2018 des commissaires d’ancrage Marine :  la « Voie Sacrée » passe par la mer

Le 6 mars au matin, quand une fois passée Ras Beyrouth surgirent dans la chaleur du matin les tours de la ville, les commissaires de la promotion « Voie Sacrée » embarqués sur le groupe Jeanne d’Arc s’apprêtèrent à accoster sur la rive Est de la Méditerranée à l’instar de bien des navigateurs avant eux. L’histoire de la région témoigne de l’importance de ces eaux pour les grandes civilisations de ce bassin : la puissance maritime commerciale et militaire des Phéniciens leur permit longtemps de tenir tête à Nabuchodonosor et Alexandre et enfanta la grande Carthage, seule rivale de Rome jusqu’à ses défaites navales qui entraînèrent sa destruction. Ce n’est cependant pas le seul héritage dont ils pourraient s’enrichir. Ils abordaient une terre de juristes et d’administrateurs, à l’alphabet fondateur et dont l’école de droit fit la gloire en inspirant le Code justinien.

C’est aussi dans une lignée à peine plus récente que ces midships se sont inscrits au travers de  leur embarquement : celle des commissaires de la marine, bien vivante et fière de ses traditions au sein du corps des commissaires des armées. Tel fut un des messages adressés aux midships par le CRG2 Hiaux, chef du GSBdD de Toulon, lorsqu’il leur remit une semaine avant l’appareillage des épées marine dans un lieu emblématique de cette histoire, le bureau de l’intendant de la Marine à Toulon. Nulle surprise donc à ce que, tout comme leurs aînés, les jeunes commissaires d’ancrage Marine soient appelés à servir « loin, longtemps et en équipage », et à assumer conjointement les responsabilités d’un officier embarqué, d’un marin militaire et d’un administrateur expert des affaires navales et maritimes.

Au terme de leur formation d’administrateur à l’école des commissaires des armées à Salon de Provence, l’organisation entière de la mission Jeanne d’Arc vise à les y préparer au mieux, au contact des équipages des trois bâtiments du groupe Jeanne d’Arc et pleinement intégrés avec leurs camarades de l’école navale. Composé cette année du BPC Dixmude, de la FLF Surcouf et du BCR Var (ce dernier jusqu’à Djibouti seulement), il embarque 132 midships dont 9 commissaires. Dès leur appareillage de Toulon le 26 février, ceux-ci ont dû s’organiser pour répondre simultanément aux exigences d’une formation opérationnelle de haut niveau conjuguée à un apprentissage pratique du service administratif à la mer.

Prenant part au tour de quart en passerelle et passerelle aviation, ils participent à des opérations aéromaritimes et amphibies et se familiarisent à la navigation en Task Group, tandis que les cours de l’EAOM leur font découvrir des volets complémentaires de leur formation de marin telles que les modalités des principaux domaines de lutte. Invités à présenter des briefings juridiques devant l’état-major, ils s’approprient un droit de la mer dont la France défend la préséance sur toutes les mers du monde, non seulement par des discours, mais par le déploiement tous azimuts de ses unités hauturières. Étroitement intégrés aux services « commissariat », ils découvrent concrètement le travail de leurs futurs subordonnés et développent leur capacité au commandement. À ces travaux s’ajoutent bien sûr les exercices sécurité et rappels au poste de combat, accomplis de bonne grâce car « la sueur épargne le sang », mais qui n’en font pas moins attendre les interludes salvateurs que promettent les escales. Quoique…

Car le métier de commissaire d’un bâtiment n’a pas fondamentalement changé et pour le jeune « croc », le répit est de courte durée : organisant les escales aux côtés des commissaires du bord, le voilà négociant avec le « ship », organisant un cocktail de 500 personnes ou s’assurant des honneurs à rendre à un CEMM étranger. Une occasion unique d’appréhender ces exercices particuliers, mais aussi d’acquérir une connaissance fine des régions traversées. Après un passage en Inde, la mission Jeanne d’Arc 2018 empruntera le détroit de Malacca et fera escale à Darwin avant de naviguer en mer de Chine et de revenir par le Vietnam et Singapour. C’est donc là-même où l’histoire maritime s’écrit que les futurs commissaires d’unité feront leurs premières armes, aux côtés des alliés traditionnels de la France, de ses nouveaux partenaires ou d’acteurs locaux essentiels dans des eaux de plus en plus contestées.

Tel n’est pas le moindre atout de cette Jeanne. Elle permet aux midships de découvrir des bâtiments de générations différentes (20 ans séparent le Var et le Dixmude) mais aussi de travailler en interarmées (hélicoptères de l’ALAT, groupement tactique embarqué) et en interalliés (PASSEX, exercices majeurs, embarquement d’US Marines et de Wildcats de la Royal Navy). L’aguerrissement n’est pas oublié avec la conduite d’une manœuvre d’infanterie dans le désert djiboutien. Plus que tout, ce sont sur des bâtiments opérationnels aux équipages expérimentés que les jeunes commissaires ont ancré leur formation, jumelée avec celle de leurs camarades officiers de marine.

Quelques semaines à peine après l’appareillage, ils ont déjà beaucoup appris. Souhaitez-leur donc une « Jeanne » digne de ce grand nom afin qu’ils portent haut le flambeau transmis par leurs anciens !   

    CR3 Jokin Vaillant        

 

Dixmude - Commissaires ancrage marine

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 Dixmude 2018